Blueberry. Une nouvelle nature morte BD.
Citation de Joseph Gillain (Jijé), 1975
Avec le lieutenant Mike steve Blueberry, Jean-Michel charlier et Jean Giraud ont produit une des plus belles séries BD d'Europe. Un western haut en couleur, mené avec de vifs rebondissements par les scénarios de Charlier, et dessiné avec une virtuosité de plus en plus ébouriffante par Giraud, qui signe Gir.
Jean Giraud est f
C'est le 31 octobre 1963 que Mike S. Donovan, le lieutenant Blueberry, apparait pour la première fois dans le journal Pilote. Cette année-là c'est aussi l'apparition d'Achille Talon dans le même journal et Hergé publie son chef-d'oeuvre les Bijoux de la Castafiore qui est comme un voyage hilarant autour du nombril de Moulinsart.
En 1962 Charlier revient ébloui d'un reportage dans l'Ouest américain : " Moi qui n'avais jamais envisagé de ma vie de faire une BD western, j'en suis revenu avec l'irrépressible envie d'en faire un." Jean-Michel va donc demandé à Jijé qui, débordé, lui conseille de travailler avec Jean Giraud. Aujourd'hui la série est devenue, portée par le travail des deux compères un grand classique et un chef-d'oeuvre du 9° art.
"Je suis tombé sur Blueberry parce que c'était une signature dans National Géographic ouvert sur ma table : c'était ça qu'il me fallait et ça a plu à Charlier." Jean Giraud 1975
Sur ce détail du tableau j'ai rassemblé trois portraits des auteurs. L'un, en noir et blanc, celui de Jean-Michel Charlier, est un dessin d'Uderzo, créateur avec Goscinny d'Astérix et d'Obélix, les deux autres, au crayon de couleur, sont des autoportraits de Giraud quand il se met en scène dans sa série Inside Moebius ; Moebius est son deuxième nom de créateur.
Mike steve Donovan Blueberry a deux acolytes dans ses diverses aventures. Le premier, Mac Lure, (ou McClure ou encore Mac Clure) apparait dans l'album le Cavalier perdu. C'est un poivrot de première, sympathique mais capable du pire pour de l'or et notamment dans la mine d'or de l'allemand perdu et le spectre aux balles d'or. Ces deux albums, qui font le cycle de la mine d'or, sont un des sommets de la série, le dessin de Giraud y est éblouissant, les noirs et blancs, posés d'un pinceau nerveux, décrivent avec un réalisme teinté de fantastique, canyons, chevaux et personnages. Une galerie de vieux malfaisants aussi dangereux que des serpents à sonnette animent la saga.
"...Je n'ai jamais vu un lecteur rester insensible aux planches de Giraud de cette époque, que ce soit à cause du décor, du mouvement, des angles, de la mise en scène, etc... Elles ont un impact terrible. J'ai pu le vérifier partout, y compris chez les américains...". Jean-Michel Charlier
"...C'est un personnage comme je les aime : la cinquantaine, marqué, du caractère, etc. C'est d'ailleurs plus facile à dessiner parce qu'on peut être à mi-chemin du réalisme et de la caricature, comme avec Mac Lure..." Jean Giraud
Le deuxième acolyte de Blueberry c'est Red Neck (ou Redneck) qui apparait au cours du cycle du cheval de fer qui comprend les albums le cheval de fer, l'homme au poing d'acier, la piste des sioux et le général tête jaune.
La bouteille de whisky, (petite malice de ma part de mettre un sky japonais...), et le cigare caractérisent aussi pas mal l'univers de Blueberry et servent bien la nature morte, en compagnie de la sculpture équestre.
"...La seule fois où je n'ai pas été d'accord sur l'idée initiale (de Charlier) d'une histoire et où je l'ai fait modifier, c'est pour Chihuahua Pearl..." Jean Giraud en 1975 parlant de l'album Chihuahua Pearl
"... par exemple dans la version de Charlier, Chihuahua Pearl partait avec l'argent de Blueberry et on ne la revoyait plus. Dans ma version, elle revient et Blueberry repique le fric. Je ne voulais pas qu'il soit un perdant, qu'il se retrouve à la fin ruiné par une s......." Jean Giraud en 1988 parlant de l'album Arizona Love (Charlier vient de mourir).
Un autre album figure sur ce détail du tableau, c'est l'homme à l'étoile d'argent, remake du film Rio Bravo d'Howard Hawks. Il semble que Jean-Michel Charlier a repris la trame du film par réminiscence, à "l'insu de son plein gré". Boulimique, travailleur acharné, menant de nombreux scénarios en même temps et ceux-là se succédant sur de nombreuses années il lui arrivait ce genre de péripéties, redites, plagiats, et chevauchements.
"...Ca remonte à trop loin pour que je puisse avoir une idée très précise. l'idée de base était que dans l'Ouest, certains officiers faisaient fonction de Marschal par interim. Pour ce qui est de la suite de l'intrigue, il est évident que nous traînons tous des réminiscences..." Charlier.
Cela n'a pas été du gout de Jean : "... Je n'ai pas compris pourquoi Charlier a fait ça. Je lui en ai parlé mais il n'avait pas l'air de se rendre très bien compte... Surtout que le thème de Rio Bravo est très fort et qu'on ne peut pas l'oublier... J'ai commencé à me poser des questions au moment où Blueberry met ses deux types aux entrées de la ville pour confisquer leurs armes aux gens.Ca me gênait. Alors j'ai fait une caricature de John Wayne et de Dean Martin qui passent à cheval et à qui Mac Lure demande de déposer leur artillerie..." (Case 6 page 29). Jean Giraud.
"Réglement de compte à OK Corral" est un western américain de John Sturges sorti en 1957, inspiré des faits réels de la fusillade d'O.K. Corral.
La fusillade d'O.K. Corral est un affrontement qui s'est déroulé le mercredi dans la ville de Tombstone dans l'Arizona. Bien que seulement trois hommes aient été tués durant le combat, il est généralement considéré comme la plus célèbre fusillade dans l'histoire de la Conquête de l'Ouest, à cause du film Règlements de comptes à OK Corral. Il vit s'affronter les officiers Wyatt Earp, Morgan Earp, Virgil Earp, Doc Holliday contre Frank McLaury, Tom McLaury, Billy Claiborne, Ike Clanton et Billy Clanton. Ike Clanton et Billy Claiborne s'enfuirent du combat, sains et saufs. Morgan Earp, Virgil Earp et Doc Holliday furent blessés. Les deux frères McLaury et Billy Clanton furent tués. Ils ont été enterrés dans le cimetière de Tombstone.
Pour ce dernier cycle de Blueberry, Jean Giraud reprend tous ces personnages de l'histoire americaine et les mêle habilement à la trame de son récit. Son dessin atteint des sommets de précision, de clarté et d'habileté. Cela fait plus de 70 ans que l'artiste dessine des heures et des heures durant, tous les jours, obsessionnellement. La dextérité et la justesse de sa main n'ont d'égal que celles des plus grands dessinateurs de l'histoire de l'art. On songe à Géricault pour les chevaux, à Hokusaï pour la diversité et l'universalité, à Rubens pour la "furia", aux gravures de Dürer pour la virtuosité du trait...
"...J'aime bien me lever le matin et aller à ma table de travail..." Jean Giraud
Bon, ben, c'est pas que je m'emmerde et qu'il ne reste pas plein de trucs à dire sur Blueberry et sa bande, mais je dois aller dégourdir les vieilles jambes de ma jument.
Salut aux affamés.
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